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JAROD

La fin du pitch a sonné

Pour être à la hauteur de la crise sociale qui se joue, nous, professionnels de la communication, avons un rôle à jouer dès aujourd’hui dans l’avènement du monde de demain.

La crise sanitaire du Covid-19 touche l’ensemble des secteurs économiques de notre pays. Celui de la communication, le nôtre, n’en est pas exempt. Tous les professionnels du secteur font face à des campagnes reportées, à des budgets d’accompagnement revus à la baisse ou tout simplement à des missions annulées. «En temps de crise, ce sont vos budgets qui seront réduits», répétaient les seniors des agences. Cette crise semble annoncer une crise sociale beaucoup plus importante dans les prochains mois. «Le plus important, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage.»

Penser le monde d’après, la formule est maintenant bien rodée. Certains médias et penseurs ont déjà commencé à y réfléchir sans même interroger les principaux intéressés, les Français. En opposant un passé à un avenir nécessairement marqué par la crise que nous traversons, cette formule est aussi un outil rhétorique bien pratique pour le conservatisme reconverti. Tout changer pour que rien ne change.

Nous pouvons échapper à ce mécanisme, qui promet l’absence de changement dans l’illusion du changement. D’abord, il nous faudra assumer notre position dans ce monde aux insuffisances dévoilées. Nous, professionnels de la communication, n’avons pu qu’assister impuissants à la mise en confinement d’un ensemble de pratiques et de représentations que nous pensions éternelles. Tous nos planning strat’, nos briefs créa ou cœur de cible sont caduques.

Renversement des valeurs

Nous vivons un légitime renversement des valeurs qui doit nous interroger quant à l’idéal de société que nous valorisons dans nos différentes productions. Il ne suffira sûrement pas d’une énième campagne de communication doté d’un nouveau concept, ni même d’un slogan sorti de l’esprit d’un brillant concepteur-rédacteur, pour rendre leur investissement quotidien aux indispensables (soignants, salariés, agents publics…), qui répondent à nos besoins essentiels.

Nos pratiques futures doivent prendre en compte la crise sociale qui se joue sous nos yeux, la recomposition des priorités qui s’y écrit, la remise en cause nécessaire des valeurs hier dominantes. Un renversement des valeurs s’impose pour le monde d’après.

Agir dans le monde actuel

Loin d’exister hors de notre monde social, nos métiers en sont le reflet, en même temps qu’ils agissent plus ou moins sur lui. Nous avons indéniablement une responsabilité à prendre dans le combat que mène la société entière contre l’épidémie. D’une certaine manière, nos prises de position concrètes dans le présent écrivent la crédibilité future de notre secteur. Ne faisons pas de promesses, laissons nos actions parler pour nous.

Ces milliers d’euros que nous avions hier fléchés pour des événements – internes ou non – mis à l’arrêt par le confinement doivent aujourd’hui être mis au service d’une cause majeure : la solidarité. C’est cette action qui renforcera l’engagement de nos talents, et non un énième «bullshit-évenement-interne».

Nous lançons un appel à nos consœurs et confrères du métier pour mobiliser ces budgets afin de répondre immédiatement aux besoins des plus fragiles. Associations, fondations, citoyens, elles et ils sont nombreux sur le terrain à répondre concrètement aux besoins de première nécessité de nos concitoyens. Dans notre diversité, soyons dès maintenant à leurs côtés pour agir dans le monde actuel.

Mohamed El Yattioui (Président)
Renaud Boissac (Directeur général associé)
Anil Ciftci (Directeur associé)

Tribune publiée le 7 mai 2020 sur Stratégies.fr